Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Amazingworld237
2 octobre 2019

Malet Mal Njam, Mbombog, ancien journaliste culturel, PDG d'Africréa

L'homme qui défie l'impossible

Malet mal Njam

Avec son étoffe posée sur son épaule gauche, ses allures de petit homme perdu, il semble un personnage banal que l’on croise au bout de la rue. Un personnage qui peut, tout au plus, vous arracher un sourire si vous l’imaginez comme ces philosophes à la quête d’une identité authentique. Derrière cette carapace d’homme sans histoire, se cache un destin particulier.  Un destin comme beaucoup en rêvent, plein de réussite, de prestige. Malet Mal Njam est le premier Noir à présenter une émission à la télévision française (TF1). Il avait 29 ans.

Fils d’enseignant d’université en France, il lance un mensuel d’arts et spectacles «Bwana» à 20 ans. A Paris, où il réside alors, il est au centre de l’activité culturelle. Tous les grands noms du showbiz et de l’intelligentsia africains, de passage dans la capitale française, le sollicitent. Fela Kuti (père), Léopold Sédar Senghor, etc. Son amour pour l’art lui volera un peu cette casquette de journaliste passionné de culture. Le verbe beau, la rhétorique aisée, il vante, avec une touche personnelle, l’art et l’artisanat africains. Il débarque au Cameroun en 1995 et décide de rester pour lancer le projet Africréa. Un centre d’art où le patrimoine culturel camerounais est mis en lumière. Patrimoine qu’il porte désormais en lui comme chef traditionnel. Aujourd’hui, ce père de quatre enfants, vice-président de l’association culturelle Mbogliaa, se sent comme un poisson dans l’eau à Bastos où il a pris ses quartiers à Yaoundé. Il a réussi son pari de mettre l’artisanat local en vitrine. Le commissaire du Salon international de l’artisanat du Cameroun et Coordonnateur du pôle artisanat d'art et design à la dernière édition de la Rentrée Culturelle et artistique nationale (RECAN du 10 septembre au 1er octobre) et participant au Grand Dialogue National, convoqué par le Chef de l'Etat du Cameroun, a accepté de rouvrir, pour nous, les pages de sa vie.

arts et design

 

Son enfance

«Baigné dans une famille nombreuse»

«Mon père est pasteur, quatre fois docteur d’université, il est un haut fonctionnaire, un patriarche, il s’appelle Simon Njami Nwandi. Il travaille actuellement à la CONAC. Avant de revenir au pays, il a résidé en France où beaucoup d’entre nous sont nés. En France, il était enseignant à Strasbourg et à la Sorbonne à Paris. Maman était femme au foyer pendant longtemps, pour élever ses sept enfants. Mais, jamais à la maison, on a été moins de vingt. Parce que beaucoup de gens et, surtout des Camerounais, qui étaient en transit restaient quelque temps à la maison. Pendant les années 70, on a eu la chance d’avoir des frères, étudiants de papa, qui venaient d’autres pays africains. Chacun d’entre nous a une formation assez solide, et six vivent de l’art. Mon frère, Njami Simon, est dans le top 50 des Africains les plus influents au monde. Il est l’un des plus grands critiques d’art contemporains au monde. Cette année, c’est lui le premier commissaire du Salon international du textile, de l'habillement, de l'art et de la mode de Dakar (Sénégal). Ma grande sœur, Jeanne Ngo Njami, a une galerie d’art à Strasbourg, en France. Elle s’intéresse à l’art ancien. J’ai deux frères qui sont des musiciens. L’un est prof de conservatoire, l’autre un band leader acoustique. J’ai une autre petite sœur Ngo Njami Delriche, qui est fashion designer. La culture a arrosé notre enfance.»

 

Sa jeunesse

«Mon premier journal à 20 ans, premier Noir à la télé, racisme»

«Il faut replanter le décor pour bien comprendre le contexte. Voir un Noir, c’était une curiosité pour les Blancs. On s’arrachait les Africains. Si vous voyez tous les Africains qui ont été en France dans les années 60-70, ils ont des ancrages dans de grandes familles françaises. Du fait que papa était leader de communauté religieuse, enseignant d’université, l’encadrement et les relations avec eux étaient bonnes. On côtoyait des personnes qui prennent l’avion, ont de la cannelle dans la cuisine, c'est-à-dire celles dont l’apport de l’étranger était important. Ce sont des personnes qui ont de l’argent. J’ai été dans les écoles de gens de ces conditions-là. Certains venaient à la maison. Du coup, on a du champ pour réaliser ses rêves. Je crée mon journal  «Bwana» à 20 ans alors que j’étais en année de licence à l’université, à Paris. J’entre à TF1, parce qu’après la création de mon canard, nous créons une radio, avec les amis et le fils de celui qui allait devenir ministre de la communication Georges Filloud. Les émissions de radio qu’on réalise nous rendent célèbres. Des chaînes de télévision viennent faire des reportages. On a créé une plateforme qui n’était plus simplement celle des Camerounais ou des Français… c’était un mixte avec des connotations fortes de Blackitude, de Blackness. Un jour, un grand frère arrive et filme un premier plateau, puis un deuxième. Il s’en va. 15 mois après, il m’appelle pour me localiser. Je lui dis que je suis à Paris. Il m’informe qu’il y a une productrice qui cherche des journalistes. Lui ayant parlé de moi, elle a demandé à me voir. Je rencontre la productrice, Michelle Benayoun, tout se passe bien et elle m’engage comme journaliste. Un jour, on doit travailler sur la musique africaine comme phénomène de société. Je sillonne la France avec une équipe. On tourne et on met en boîte, comme d’habitude. Michèle Benayoun me dit que je vais présenter cette émission : «Télévision ouverte». Deux jours après, je suis reçu dans le bureau de Claude Austenberger, le directeur des programmes. Il me regarde dans les yeux et me dit froidement : «Moi, je m’appelle Claude Austenberger. Je suis juif, des parents juifs déportés. Toi, le Black, c’est bien ce que tu fais, c’est sympa. Mais zéro, pas de présentation. Vous voulez qu’à une heure de grande écoute de la première chaine publique qu’on voit un Black ? On met un Black où il y a des Français radicaux. Vous voulez que la mort de TF1 passe par moi ? Vous allez mourir, pas moi !» La productrice a eu une réaction extraordinaire. Elle lui demande pourquoi ? Et lui signale que le producteur de l’émission, c’est moi. Le contenu de l’émission, c’est moi. La ligne politique et rédactionnelle de l’émission, toujours moi. Donc, c’est moi qui décide de ce qui se passe dans mon émission. C’est ainsi que je deviens le premier Black à présenter une émission à TF1 à une heure de grande écoute. La première diffusion a eu lieu le 10 janvier 1984, de 16h15-18h. Un franc succès. La presse locale et black en a fait large écho.»

 

Ses modèles

«Mes parents, Senghor et bien d’autres»

Simon Njami Nwandji, son père

«J’ai de nombreux modèles. D’abord, il y a papa et maman. Ils étaient d’une rigueur morale et intellectuelle impeccables. Chez nous, à la maison, quand quelqu’un avait 14/20 de moyenne, l’on se demandait s’il allait bien. Parce que, pour les parents, avec l’éducation qu’on recevait, il n’y avait aucune raison de s’arrêter à 14/20. On a eu un autre challenge à l’époque où on grandit en France : briller au milieu de Blancs. C’était l’époque où l’on était le seul noir dans toute une contrée. A la fin des années 1960, nous avons résidé à Strasbourg pendant deux ans. Mon père étant enseignant d’université, nous voyions défiler les intellectuels de premier plan à la maison. Senghor,  et tous les autres, j’ai eu le bonheur de les côtoyer de l’intérieur. Ce sont des personnes qui sont d’une richesse inouïe et qui sont humbles.

Des modèles y en a tellement : des fashion-designer, des littéraires. Tout ce que je retiens, c’est qu’une société a besoin de génies. Chez nous, depuis 18 ans que je commence vraiment à être ici, on ne retient de génie que la magie, l’impossible, l’improbable. J’ai des modèles dans la politique, dans les sciences, dans le sport. Ils sont surtout dans la création, parce que, vraiment, j’en suis pétris.»

 

Son autoportrait

«Vaincre l’impossible»

malet

«Ce qui m’indigne le plus, c’est que tout le monde dit toujours c’est impossible devant une situation. Regardez. Depuis que nous sommes ici à Bastos, c’est nous qui réparons la servitude du quartier. Si vous regardez bien, dans chaque maison alentour, il y au moins trois voitures dans le parking, mais la route qui mène à ces habitations est impraticable. Tout le monde dit que s’est impossible de la réparer alors qu’ils n’ont même pas fait un geste dans ce sens. Je suis dépositaire de la culture de la solution. Mes parents m’ont élevé dans cet esprit-là. Quand on voit ce qui est gâté, on l’arrange. Ce n’est pas impossible. On arrive à un moment où le Cameroun que beaucoup craignaient, qu’on considérait comme un gros colosse, est fragile et fragilisé. Plus les gens arrivent chez nous, plus certains rentrent déçus. Pour gagner, il faut travailler. Certains continuent à croire que s’il y a le décret, ça va. Pour réussir, il faut intégrer les sectes ou pactiser avec le Mal. Des histoires à dormir debout ! On ne fait que participer au recul en refusant la valeur première qui est le travail, l’excellence.

L’image que je voudrais qu’on garde de moi, est celle de quelqu’un qui défie l’idée de l’impossible. Ensuite, comme quelqu’un qui a tellement reçu à la maison, à travers le monde qu’il souhaite qu’un petit bout du monde vienne à la maison. Je crois que tout est possible. Il peut avoir des barrières, c’est le cours normal de la vie, qui évolue avec des pics élevés et des pics bas. Mais, jamais, il ne faut pas dire que c’est impossible, sans avoir même essayé ou poser un acte. On doit dépasser cette barrière psychique-là.»

 

Ses anecdotes

«Incorrigible Fella»

Il se raconte sans tabous

«Des anecdotes, il y en a tellement. Avec Fella Ranson Kuti, j’ai vécu des situations assez particulières. Sa première tournée mondiale commence par l’Europe. On est à la fin des années 70. A l’époque, on vivait les vibrations de la fameuse "world music". La région parisienne bougeait. Fella vient démarrer sa tournée à Paris. Je ne l’avais jamais vu de ma vie. Je suis le seul Africain à sa conférence de presse. Quand elle s’achève, je vais naturellement le saluer. Il me demande, intrigué : «Tu sors d’où toi ? Tu n’as pas vu qu’ici, il n’y a que deux Africains, toi et moi ?» Je regarde, il y avait pourtant deux autres personnes qui l’accompagnaient. Suivant mon regard, il rétorque : «Ça, c’est rien». C’était le premier contact avec lui et nous avons passé beaucoup de temps ensemble, jusqu’à ce qu’on aille à son hôtel. Là-bas, il m’a surpris. Il a instruit à ses femmes de nous cuisiner du gari. Cette première rencontre débouche aussi par le contrat qu’il avait avec la Télévision française. Elle devait filmer son premier concert à Lyon. Dans le cahier de charges, Fella avait un programme de 55 minutes au cours duquel il devait présenter sept chansons. Mais, il a pris tout le monde à contre-pied. Fella a engagé «Shakara». Seulement, l’introduction de «Shakara», il l’a faite pendant 32 minutes. Le réalisateur lui faisait des signes. Fella continuait allégrement son show. Il a mis tout le monde dans l’embarras. A la fin, je lui demande ce qui s’est passé. Il me répond en anglais : “Shut up! They want me to perform? I perform» [«Tais-toi ! Ils voulaient que je chante, je l’ai fait !», Ndlr].»

 

Sa vision

«Créer des cadres à l’épanouissement de la culture et de ses acteurs»

arts1

«Pour l’art, en réalité, quand je suis arrivé ici en 1995, je n’étais pas préparé à rester. J’ai passé 15 jours, puis 45. Tout le monde m’appelait pour me demander quand je rentrerai en France. J’ai prolongé mon séjour à 3 mois, puis 4 et finalement je suis resté. Quand je l’ai su, c’était très dur et très lourd. Il fallait faire abstraction de tout mon vécu et mon statut en France. J’étais au sommet. J’étais ce qu’on appelle le point d’achèvement de ce que tout le monde peut rêver. Alors que dans mon esprit, je pensais que c’était le cours normal des choses. J’ai grandi en France. En débarquant au Cameroun, tout le monde croyait que j’étais un pied tendre, que je ne comprenais rien. D’abord, beaucoup ont été surpris de savoir que je parle parfaitement ma langue (bassa). Une fois sur place, j’ai eu une réelle vision de mon pays. Etant en France, on l’idéalisait un peu. J’ai eu, comme compagnie, des gens qui ont fait le Cameroun de l’intérieur et l’histoire n’est histoire que parce qu’elle est densifiée, enrichie par ses faits de vie. Le décor était différent à mon arrivée. J’ai voulu participer à la construction de mon pays. J’avais des idées et du relationnel. Je pouvais m’en servir dans un domaine qui me passionnait : l’art.

En lançant Africréa, le projet de départ était de faire une citée internationale des arts. Pour y aboutir, nous avons d’abord créé une galerie d’art. Après, nous sommes passés à un centre d’art, et maintenant, nous sommes en train d’arriver à la dernière étape du projet. C’est une mobilisation qui nous semblait immédiate. Je m’étais fixé le cap de 20 ans, pour réaliser ce rêve. J’y touche en ce moment.

Mon approche, en tant que professionnel de l’événementiel, a été, à l’étonnement de tout le monde donc, de dire qu’on s’engage d’abord dans le structurant. On ne peut pas créer un événement, si on n’a pas de cadre propre pour l’abriter. L’aristocrate que je suis fondamentalement, considère que chez soi, on parle à partir de sa demeure. Une culture qui souffre de ne pas avoir des lieux et des cadres d’expression, forcément a du mal à s’exprimer et à trouver sa juste place sur les plans local et international. C’est pour cela, qu’au-delà du concept, qui est de croire que nos valeurs artistiques et culturelles peuvent cohabiter n’importe où dans le monde d’aujourd’hui, on a voulu un lieu physique. Aujourd’hui, notre centre accueille des résidences de différentes formes d’art. Nous offrons une scène pour les spectacles et les expositions. La plupart des grands noms actuels de la musique urbaine sont passés chez nous. Nous travaillons également à offrir des produits artisanaux de qualité aux Camerounais. Du mobilier aux dérivés de la mode. Nous tendons vers le «consommer local».»

 

Bio express

1959 : Naissance à Yaoundé

Originaire de la Sanaga-Maritime.

1970: Etudes universitaires à Paris Sorbonne, option philosophie et histoire

1978 : Premiers pas dans le journalisme

1981-1983 : Fondateur et Directeur de publication de «Bwana Magazine» à Paris

1981-1984: Co-fondateur et responsable des programmes de Radio Gilda, radio privée à Paris

1982 : Maîtrise en histoire

           Stage professionnel au quotidien «Libération» à Paris

1983-1984 : Début comme présentateur à TF1, présentateur de l’émission d’enquêtes et de faits de société «Télévision ouverte»

1984-1986: Journaliste Antenne 2

1985-1999: Correspondant permanent et responsable des productions parisiennes de la Radio panafricaine Africa N°1 à Paris

1986-1990: Collaborateur du Magazine Jeune Afrique Economie

1988 : Créateur et Directeur du festival «France Ethnicolor» sous le haut patronage de Madame Danièle Mitterrand à Paris.

1990-1992: Rédacteur en Chef «Culture et Société» du Magazine «BARAKA» à Paris

1995 : Retour au Cameroun, lancement d’Africréa

1998 – 2001 : Expert associé pour la mise en œuvre du projet ARTCAM, réseau des établissements culturels au Cameroun (Bafoussam, Bertoua, Ebolowa, Kribi, Maroua). Ambassade de France, SCAC

2001 : Expert culturel des Jeux Internationaux de la Francophonie à Ottawa-Hull

Depuis 2008 : commissaire général du Salon international de l’artisanat du Cameroun

2012 : Désigné vice-président de l’Association Mbog Liaa

2015 : Concepteur de l’agenda culturel du Cameroun (Projet Unesco)

Domaines de compétence

-Communication promotionnelle et évènementielle

- Ingénierie culturelle

- Développement touristique

Publicité
Publicité
Commentaires
Amazingworld237
  • Entrez dans le monde féérique de la culture et des stars. La journaliste people G-Laurentine Assiga, présidente du Réseau des journalistes culturels du Cameroun, vous transporte dans l'univers de la créativité. Les arts, le tourisme et le lifestyle.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Albums Photos
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 154 335
Publicité